Dans le monde antique, la justice est une notion singulière frappée tant par l’influence religieuse que par le bon sens de l’organisation politique de la cité placée sous le signe de la morale et du respect dû aux lois divines régissant l’univers. N’oublions pas en effet que le monde antique propose une vie eschatologique dans les Enfers, où les âmes méritantes vont aux Champs-Élysées et les mortels sacrilèges retrouvent Tantale, Sisyphe et Prométhée qui ont transgressé les ordres et les lois divines dans le noir Tartare. Si ce n’est pas le cas, les mythes grecs que les romains connaissent aussi, montrent une justice divine immanente et immédiate lorsqu’en proie à la Furor ou à l’Hubris les mortels commettent des crimes sacrilèges. Pensons ainsi à la tragédie de la famille des Atrides (Agamemnon) mais aussi à celle des Labdacides (Laios, Œdipe, Antigone, Étéocle, Polynice) où les affrontements fratricides et adultères mènent tous ces êtres à la mort pour avoir défié en partie les lois divines : Créon refusant les honneurs dus à Polynice et les rendant à son autre frère mort lui aussi, commet un sacrilège qu’Antigone voudra réparer et qu’elle payera de sa vie pour s’être opposée à son oncle agissant par raison d’État. Mesure et démesure, crimes et châtiments, justice et raison d’état, constituent l’arrière-plan qui entoure la pensée de la justice antique.
Un rappel s’impose : le droit romain est tout d’abord le créateur de la première justice institutionnelle de l’Histoire et constitue aussi l’origine linguistique même du mot. Justitia provient du mot Justus qui signifie conforme au droit, lui-même issu du mot Jus signifiant le droit mais aussi la permission dans le domaine religieux. De même, le mot Judex que l’on traduit par juge, signifie « celui qui montre » renforce cette origine religieuse et sacrée que l’on retrouve encore dans jurare, jurer mais aussi émettre à haute voix une parole sacrée. Les lois des 12 tables inscrites sur le forum et permettant la première codification du droit dans les débuts de la République prouvent cette dimension sacrée. La ville de Rome a cependant très vite séparé les affaires religieuses des affaires judiciaires mais la sacralité des grands procès et de l’éloquence judiciaire prouvent sa formidable importance.
Les grandes affaires judiciaires émaillent l’histoire Romaine et mettent en évidence des personnalités contrastées comme Verrés (procurateur de Sicile et voleur de richesse) Catilina, magistrat ambitieux et sans scrupule, Marius, César, et de grands orateurs comme Cicéron qui s’est bien souvent illustré et nous laisse de mémorables discours politiques et judiciaires. D’autres personnages de référence, austères épris de justice et connaisseur du droit comme Caton l’ancien sont aussi passés à la postérité pour la défense du droit et d’une forme d’éthique du citoyen. Le droit français est, en partie, encore inspiré du droit romain.