L’utopie est le « lieu de nulle part ». Pourtant l’utopie n’est pas déconnectée de la réalité présente : elle permet de l’interroger, de la remettre en question de l’extérieur. Elle n’a pas vocation à être réalisée, mais doit permettre de jeter un regard critique. « Je le souhaite, plutôt que je ne l’espère », écrit Thomas More dans son Utopie (1515).
Cet ouvrage fixe les règles du genre : la première partie est une dénonciation de la misère sociale dans l’Angleterre de son temps, la seconde introduit le voyage d'Hythlodée en Utopie. La description de l’urbanisme rappelle les réflexions des ingénieurs et architectes renaissants ; la société y est régie par la justice et l’amour.
Les utopies, dans les siècles suivants, seront nombreuses : La Cité du soleil de Tommaso Campanella, l’Abbaye de Thélème dans Gargantua de Rabelais, le pays d’Eldorado dans Candide de Voltaire. Parfois, l’utopie devient presque réalisée, comme dans le Supplément au voyage de Bougainville, où Diderot croit trouver, chez les peuples indiens, la leçon d’un véritable bonheur. Mais l’utopie n’a pas vocation à être accomplie : elle est un idéal de perfection qui fonctionne, comme le dira le philosophe Paul Ricœur, comme « un exercice de l’imagination pour penser autrement ».