On voit parfois le Moyen Âge comme une ère de la lecture et du commentaire, les auteurs ne faisant que commenter des textes d’auteurs anciens (surtout Aristote, traduit en latin par les commentateurs arabes). L’auteur est alors l’auctoritas, celui qui est garant de la vérité et qui la définit ; le commentaire devrait en retirer la « substantifique moelle » (Rabelais).
Cependant, cet art de la lecture engage déjà un art de l’interprétation : les textes sont lacunaires, les traductions discordantes et il s’agit pour les penseurs de ré-élaborer le sens plutôt que de simplement le découvrir.
La parole occupe une place essentielle dans la philosophie médiévale qui se développe dans le monde des universités, où l’on pratique la disputatio (dispute). Celle-ci met en scène le dialogue entre un défenseur d’une thèse (Pro) et son objecteur (contra) ; un maître propose, une fois la dispute achevée, une critique de l’ensemble des arguments et avance son propre jugement. C’est dire que la philosophie médiévale ne soutient de thèse qu’après avoir répondu à toutes les objections possibles : avant d’être dogmatique, elle est dubitative (elle est fondée sur le doute et procède par réfutation autant que par démonstration).
Les textes de philosophie médiévale reproduisent cette structure de questions et de réponses : de la parole, l’écrit hérite son caractère polémique et dialectique.