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Épistémologie du monde

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Infiniment grand, infiniment petit

L’homme, à tout prendre, est disproportionné – c’est du moins la leçon du fragment 199 (éd. Lafuma) des Pensées de Pascal. Cette disproportion, qui fait l’humaine condition, nous écartèle entre deux mondes : un premier monde, d’abord, celui de « la nature entière dans sa haute et pleine majesté », écrit Pascal. Dans cette perspective, le monde nous paraît « comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit » ; nous ne pouvons que nous étonner « de ce que ce vaste tour lui-même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de celui que ces astres, qui roulent dans le firmament, embrassent ».
La considération macroscopique de l’homme le ramène nécessairement à sa condition, si ténue, si précaire, si fragile. La considération cosmologique reçoit donc une portée éthique manifeste dans la pensée pascalienne.
Un deuxième monde, ensuite, celui dont le ciron, cet acarien microscopique, offre un échantillon significatif : c’est « un autre prodige aussi étonnant », que l’on découvre dans « les choses les plus délicates », dans un « raccourci d’atome », où l’on découvre pourtant – microscope aidant – « une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible ».
La considération microscopique du monde, par un puissant effet de contraste, renforce l’intuition éthique dont la cosmologie nous a offert les prémices : nous nous découvrons, nous, humains, « entre ces deux abîmes de l’infini et du néant », ce qui changera sans doute notre curiosité « en admiration ». Ainsi, la considération du monde, macroscopique puis microscopique, n’a rien d’anecdotique et n’est pas une curiosité sans suite : elle constitue un point de départ assuré pour réformer le regard que nous portons sur nous-même.
Leçon pascalienne : la cosmologie et la biologie ne nous éloignent jamais d’une interrogation sur l’être humain.

L’objectivité du monde

Qu’est-ce qui nous garantit que ce monde, notre monde, ne se réduit pas à mon monde ou à une simple vision du monde ? Comment s’assurer que ma vision du monde, empreinte de singularité, peut-être de subjectivité, ne m’empêche pas d’accéder au monde avec lucidité ? La question n’est pas accessoire : elle suppose que la constitution d’une connaissance objective est possible, que cette connaissance ne se réduit pas à une production culturelle singulière, qu’une vérité peut progressivement être établie, et que l’établissement de cette vérité lui permet, au moins en puissance, d’être universellement reconnue.
Ces enjeux, communément acceptés dans les sciences de la nature, ont pourtant fait l’objet d’une critique continue au XXe siècle, depuis Nietzsche jusqu’à Foucault. La position de ces critiques est bien connue : ce monde ne serait au fond que mon monde, et notre monde ne serait que celui que les plus forts, les plus puissants, ceux qui dominent suffisamment la production culturelle pour imposer une vision du monde en la présentant comme objective, auraient fini par nous imposer.
Cette intuition d’origine nietzschéenne, reprise et développée sous une forme spectaculaire par Foucault, peut séduire. Elle est pourtant faible : l’objectivité de notre rapport au monde est moins le reliquat d’une relation de domination, que l’établissement – si lent, si précaire – d’un accord progressif des esprits. C’est le contrôle intersubjectif qui garantit l’objectivité du monde dans lequel nous vivons et la robustesse de nos connaissances. Poincaré (1854 – 1912), dans La Valeur de la science, en 1911, nous en prévenait déjà : « ce qui nous garantit l’objectivité du monde dans lequel nous vivons, c’est que ce monde nous est commun avec d’autres êtres pensants ». De sorte que, si ma vision du monde est en porte-à-faux avec des connaissances scientifiquement établies, voire démontrées, il me revient de la réformer. C’est à une ascèse intellectuelle que nous invitent les sciences, et sûrement pas à un quelconque impérialisme culturel. Ainsi, la seule « question réellement intéressante », écrit Bouveresse dans Rationalité et cynisme, « est de savoir comment des motivations personnelles égoïstes et agressives, des conjectures « sauvages » et des inventions sans fondement peuvent, par le biais du contrôle intersubjectif sévère qui s’exerce à l’intérieur de la communauté scientifique, aboutir à une acquisition ou à un progrès de la connaissance objective ».

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