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Le monde, poésie et musique

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Voyages et traversées

Le monde invite au voyage : d’Ulysse dans L’Odyssée d’Homère aux personnages de Tintin et du capitaine Haddock sous le crayon d’Hergé, du récit ascétique et drôle de Nicolas Bouvier dans L’Usage du monde à l’encre de Chine de Pratt figurant Corto Maltese, le monde apparaît d’abord dans l’imaginaire des arts comme le lieu du mouvement : ascension ou descente aux enfers, pérégrinations ou « dérive heureuse » (Bouvier, L’Usage du monde), il est impossible de saisir le monde sans comprendre le voyageur.
De sorte que la littérature du monde est d’abord littérature de voyage : impossible de dire le monde sans restituer littérairement ou graphiquement quelque chose de l’ordre d’une traversée, d’un parcours. De cette restitution au lyrisme, il n’y aurait qu’un pas, qu’on franchirait trop vite, si Lévi-Strauss ne nous mettait en garde ; car la première phrase de Tristes Tropiques, ouvrage fondateur de l’ethnologie contemporaine, est sans appel : « Je hais les voyages et les explorateurs ».
Connaître le monde, le donner à voir, chercher à le comprendre, mais ne pas céder à la mythologie du voyage, à l’idéologie de l’exploration, aux belles illusions de la découverte : telle serait alors la tâche du récit, aussi bien ethnographique que littéraire. En un mot, offrir le monde, sans lyrisme.

La multiplication artistique du monde

Certes, chaque artiste développe, dans son œuvre ou sa pratique, un monde qui lui est propre. Mais il est moins banal de soutenir, avec Proust dans Le Temps retrouvé, que cette multiplication artistique du monde nous permet de gagner en objectivité. L’auteur de La Recherche du temps perdu écrit qu’« autant il y a d’artistes originaux, autant il y a de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini ». Il ajoute : « grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier ». L’originalité de la pensée proustienne, toutefois, est que cette multiplication n’est en rien une perte d’objectivité ou un pur recours fictionnel, loin s’en faut : la fréquentation de cette multiplication artistique de notre monde doit augmenter notre lucidité. Proust écrit, à cet endroit, qu’il faut « avant tout abroger ses plus chères illusions, cesser de croire à l’objectivité de ce qu’on a élaboré soi-même », et que nul « ne sait ce que c’est tant qu’on ne l’a pas approché de l’intelligence ».
Ainsi, la multiplication du monde par les artistes – le narrateur du Temps retrouvé cite les peintres Rembrandt ou Ver Meer – n’a de sens que lorsque cette multiplication nous fait gagner en clairvoyance sur notre monde. Les « mondes » de l’art ne doivent pas être compris comme des échappatoires à notre monde.

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