Le risque existe d’une emprise excessive de la communauté sur l’individu. La critique du communautarisme, qu’il soit religieux ou non, a ainsi deux objectifs. Il s’agit tout d’abord de protéger la communauté politique contre certaines communautés particulières. Mais il s’agit aussi d’émanciper l’individu de préjugés, de traditions, de mœurs, d’usages qui l’enferment dans une forme de minorité intellectuelle au sens où Kant, dans Qu’est-ce que les Lumières ?, dénoncent une forme de déresponsabilisation des adultes qui, plutôt que d’oser penser par eux-mêmes, sont toute leur vie maintenus sous tutelle. La tendance qu’ont les différentes « communautés numériques » à se refermer sur elles-mêmes et à renforcer les préjugés de leurs membres sans faire de place à l’altérité est un excellent exemple contemporain du danger dénoncé par Kant.
Toutefois, des philosophes contemporains, dits communautariens, ont mis en garde contre un certain héritage des Lumières. Certes, il faut se méfier des risques d’oppression de l’individu par le groupe. Mais il ne faut pas oublier que les différentes communautés d’appartenance sont aussi des lieux de formation et de solidarité nécessaires à l’épanouissement de l’individu. La méfiance à l’égard des collectifs peut également affaiblir les individus en les laissant livrés à eux-mêmes. Alors, faut-il émanciper l’individu des communautés d’appartenance ou au contraire l’encourager à approfondir la relation à ces communautés ? Une telle question divise la philosophie politique, mais aussi les sociétés modernes, partagées qu’elles sont entre la crainte du communautarisme et la lutte contre la désaffiliation, voire la désocialisation des individus !
N’existe-t-il pas des communautés qui favorisent l’émancipation des individus ? Grâce à l’éducation, la culture, la reconnaissance des droits individuels, le renforcement de la sphère privée, un espace de liberté ne peut-il être aménagé au sein de la communauté ?