Dans la Poétique, Aristote soutient que l’imitation ne consiste pas à reproduire ce qui arrive dans la réalité, mais à le transposer dans l’ordre de la nécessité et du vraisemblable afin de produire un effet esthétique (la terreur et la pitié en tragédie). Dans Temps et récit, Ricœur définit cette mimésis comme « la coupure qui ouvre l’espace de la fiction ». Ainsi, Homère n’a pas raconté tout ce qui est arrivé à Ulysse, mais a sélectionné des événements. Le critère de ce tri, c’est l’unité de l’histoire : Homère n’a conservé que ce qui a « nécessairement ou vraisemblablement entraîné un autre événement ».
En outre, il ne faut pas raconter ce qui est effectivement arrivé, mais ce qui pourrait arriver. La vraisemblance n’est pas le nécessaire, ce qui arrive toujours, ce qui ne peut être autrement, mais ce qui pourrait arriver, car c’est conforme à ce qui arrive « la plupart du temps ».
L’écart entre le modèle et son image est la condition à la fois d’une connaissance et d’une modification des affects :
« les choses qui sont pénibles à voir, quand nous en voyons des images particulièrement réussies pour leur précision, nous nous plaisons, images d’animaux les plus répugnants, et même de cadavres. La cause en est que le fait de s’instruire offre le plus grand agrément, non pour les seuls philosophes, mais aussi pour les autres hommes ».
Le plaisir de l’apprentissage se mêle au sentiment que nous éprouvons devant les choses représentées. L’expérience de l’imitation est celle d’une image construite, qui permet la catharsis, de ressentir la passion sur un mode tel que nous en sommes purifiés.
À la Renaissance, Alberti, sans connaître la Poétique, met en valeur l’idée de cohérence à propos de la peinture (tous les personnages doivent être liés à l’action qu’il s’agit de représenter) et l’idée que la peinture doit transmettre des affects aux spectateurs, par un processus d’imitation. La perspective linéaire, qui organise l’espace en fonction de la position de l’œil du spectateur, permet de structurer l’espace où se déploie l’histoire, c’est-à-dire une action coordonnée de mouvements (De la peinture).