Le philosophe Gaston Bachelard a proposé une double philosophie de l'image.
Une analyse épistémologique
L'image est un obstacle à la pensée scientifique qui doit lui substituer le concept, en les corrigeant ou en les rectifiant.
L’exemple le plus connu est celui de l’image proposée par Bohr pour décrire le système atomique comme « un système planétaire en miniature ». Eddington a rappelé que la notion d’espace ordinaire ne s’applique plus à l’intérieur de l’atome.
Pour Bachelard, il n’est pas possible d’expliquer l’atome moderne sans « l’histoire de son imagerie », mais le concept d’atome est « exactement la somme des critiques auxquelles on soumet son image première ».
L’image, en science, doit être l’objet de critiques rationalistes qui réfutent toutes les mauvaises interprétations que l’on pourrait tirer d’une représentation schématique. Les images participent de l’histoire de la science à titre négatif.
Une analyse poétique
Pour Bachelard, il est réducteur de réduire l'imagination à la sensation ou à une forme de sensation (mémoire, composition). L'imagination est la faculté de déformer les images fournies par la perception, de nous libérer des images premières, de changer les images.
L'imagination fragmente, compose, déplace : elle innove en travaillant les images fournies par la sensation. Dans son introduction à L'Air et les songes, Bachelard insiste :
- sur la notion d'imaginaire, plutôt que sur l'image entendue comme représentation d'un objet en son absence ;
- sur la mobilité et le dynamisme des images ;
- sur la nouveauté des images : si elles peuvent se fossiliser, elle ont ce pouvoir de faire advenir du nouveau, de nourrir le « psychisme ».
Le philosophe doit être attentif aux connotations des images plus qu'à leur définition, à leur origine plutôt qu'à leur état constitué.
Bachelard s'inspire de :
- la psychanalyse, qui considère les symboles, mais a le défaut d'en considérer la signification unique ;
- la phénoménologie qui décrit les opérations du psychisme.
Les travaux de Bachelard ont été prolongés, du côté de l’analyse littéraire, par Jean-Pierre Richard, qui a exploré les réseaux poétiques des images chez les poètes comme autant de manières d’interroger le rapport au monde (cf. Poésie et profondeur, où il analyse les travaux de Nerval, Rimbaud, Verlaine et Baudelaire).