Dans le « Cinéma et la nouvelle psychologie » (1945), Merleau-Ponty souligne qu’un film n’est pas une « somme d’images » mais une « forme » unique qui possède un rythme cohérent, c’est-à-dire une unité tonale. Ainsi, chaque image, dans le montage du film, reçoit son sens et sa tonalité des images précédentes et des images suivantes, de sorte que la totalité des images possède un sens irréductible à chacune des images. De même, l’image et la musique constituent une « forme sonore », car elles réalisent une unité indissociable.

Merleau-Ponty insiste donc, en s’appuyant sur la Psychologie de la forme (théorie psychologique allemande du début du XXe siècle), sur le fait que la perception est la saisie d’unités de sens globales, et non une synthèse mentale d’éléments séparés.

Dans L’œil et l’esprit (1960), Merleau-Ponty poursuit cette analyse à propos de la peinture. La peinture illustre et justifie le statut particulier du corps vivant. Ce corps est un entrelac de vision et de mouvement : il est dans le monde, mais le monde est ce qui se déploie à partir de lui, à partir de ses potentialités d’action (chiasme). Ainsi, la profondeur n’est pas une troisième dimension qui équivaut à la largeur, mais une réalité qualitative qui renvoie à notre capacité à nous projeter dans le monde.

La peinture, selon Merleau-Ponty, suspend notre croyance en des objets fixes, et nous replace dans le monde naissant des apparences :

  1. En insistant sur le processus qui amène à la visibilité et non sur les éléments déjà déterminés.
  2. En montrant des couleurs qui ne sont pas des choses en soi isolées, mais qui se reflètent les unes sur les autres : les cyprès, dans le Bassin du jas de Bouffan (Cézanne, 1876), sont teintés de la texture aqueuse de la piscine ;
  3. En déconstruisant la distinction entre les sens : la vision peut aussi recevoir des impressions de textures, des données tactiles (sensation « haptique ») ;
  4. En soulignant la capacité du tableau à produire un mouvement et une temporalité, non comme déplacement quantitatif d’un lieu à l’autre, mais comme rayonnement, vibration à partir d’une tension interne.