En latin, munia désigne la charge, l’obligation et cum dénote la collectivité. La communauté renvoie donc à l’idée de charges partagées et d’obligations communes. Ce qui exige des membres de la communauté une forme de dévouement, une capacité à surmonter les intérêts particuliers, un esprit civique, voire un esprit de corps. Bref, toute communauté doit promouvoir une forme de morale, ou du moins des mœurs favorables à la vie collective.
Toutefois, ces morales communautaires ne souffrent-elles pas de leur particularité ? Loin d’ouvrir les individus à des formes d’universalité, ne les enferment-elles pas dans des valeurs et des coutumes reçues et ininterrogées ? On peut espérer qu’une dynamique d’élargissement des intérêts se mette en place et que l’individu, grâce à son insertion dans une communauté particulière, progresse vers des formes supérieures de moralité. Bergson, dans Les deux sources de la morale et de la religion (1932), décrit bien ce genre de dynamique : « On se plaît à dire que l’apprentissage des vertus civiques se fait dans la famille, et que de même, à chérir sa patrie, on se prépare à aimer le genre humain. Notre sympathie s’élargirait ainsi par un progrès continu, grandirait en restant la même, et finirait par embrasser l’humanité entière. »
Mais Bergson reste sceptique : ce passage du clos à l’ouvert, des siens à tous les hommes, du fini à l’infini, ne suppose-t-il pas une autre source morale que les mœurs d’une communauté ?