Rousseau, à la fin du Contrat social, se demande si une communauté politique moderne peut se passer d’une forme de religion civile distincte des religions révélées. C’est que les rapports entre la religion et les communautés politiques sont complexes. D’un côté, les croyants d’une religion peuvent se désolidariser du corps politique et des lois publiques au nom de leurs croyances particulières. Le communautarisme religieux menace alors. Mais d’un autre côté, la religion n’est-elle pas un puissant vecteur de lien social et une source de dépassement de l’individualisme ?

De fait, il y a originellement un lien fort entre le fait communautaire et le fait religieux. Le culte des ancêtres et des divinités tutélaires fonde l’identité de la communauté. Le temps et l’espace y sont organisés selon la distinction entre le profane (le jour ordinaire, le lieu ordinaire) et le sacré (le jour de fête, le temple, le Totem…). Plus profondément, des rituels tels que le sacrifice seraient, selon certains anthropologues, des moyens par lesquels la communauté régule la violence interne qui l’anime. S’il est vrai que le terme « religion » dérive du latin religere (relier) et que la communauté se ressource dans l’expérience dans la communion, alors on comprendra qu’il y a un fond de religiosité dans toute véritable communauté.

Alors, la communauté peut-elle se détacher de toute forme de sacré ? Quelle place reconnaître aux dévotions particulières dans un espace public ?