Un agrégat d’individus ne constitue pas une communauté. Cette dernière n’existe que si les individus qui la composent partagent entre eux des intérêts communs, voire une identité commune. C’est ici où les alliances jouent un rôle fondamental. Aujourd’hui, on entend surtout par alliance un accord entre des personnes ou des collectivités partageant des intérêts communs ou un pacte établi par traité entre deux ou plusieurs États (une alliance militaire).
Mais l’alliance désigne d’abord l’union par mariage et la sorte de parenté ainsi établie entre deux familles. Le renouvellement des générations, mais aussi la nécessité de l’exogamie, font que les groupes humains sont toujours instables. On entend par exogamie la nécessité de choisir son partenaire à l’extérieur de son groupe d’appartenance. Une endogamie totale est impossible, le groupe dégénérerait à cause de problèmes de consanguinité. C’est pourquoi l’on retrouve dans toutes les sociétés des règles qui viennent structurer la parenté et pallier cette instabilité. Une lignée est alors définie à partir d’un ancêtre prestigieux, homme (système patrilinéaire) ou femme (système matrilinéaire). L’identité commune sera symbolisée dans les communautés premières par un nom commun et un totem, un animal ou une plante considéré comme le protecteur de la lignée. C’est donc par alliance que des clans se forment.
Ces logiques claniques jouent un rôle important dans les tragédies d’Eschyle, où les origines communes, les fautes des ancêtres et le choix des femmes sont déterminants. Certes, ces logiques claniques tendent à s’affaiblir durant la modernité, la communauté politique se fondant de moins en moins sur des relations de descendance, comme en atteste le Traité théologico-politique de Spinoza. Toutefois, elles n’ont pas totalement disparu. On retrouve ainsi dans Le Temps de l’innocence l’importance des solidarités familiales et des clans.