Le Temps de l’innocence a été publié en 1920 et fut récompensé par le Prix Pulitzer. Edith Warton a alors 58 ans, son œuvre littéraire est déjà conséquente et reconnue.
En un sens, il s’agit d’un roman de la jeunesse. Les principaux protagonistes du roman, la sportive May, Ellen (dont le nom n’est pas sans rappeler une autre Hellène à l’origine de la guerre de Troie) et Newland sont de jeunes personnes. Et les États-Unis sont une nation en devenir en train d’affirmer son identité face à la vieille Europe. Mais cette jeunesse n’est-elle pas qu’une apparence ? Les personnages n’ont-ils pas en réalité l’âge de leurs préjugés et des conventions qui guident leur vie ? En réalité, écrit Warton, « ce qui se fait ou ne se fait pas jouait un rôle aussi important dans la vie de Newland Archer que les terreurs superstitieuses dans les destinées de ses aïeux, des milliers d’années auparavant. » Et certes, les États-Unis se veulent une société libérale et égalitaire, mais la haute société new-yorkaise décrite dans notre roman tient à se distinguer du commun et ne soutient l’émancipation des femmes que de façon déclarative. Ellen Ollenska en fera la cruelle expérience lorsqu’elle manifestera son désir de divorcer.
L’emprise de la vieille morale victorienne est encore forte alors que les turbulences de l’avènement de la modernité commencent déjà à se faire sentir. Le Temps de l’innocence dépeint ainsi les contradictions – et les charmes – d’un petit groupe social fermé, conservateur et soucieux de préserver son statut. Quelle liberté reste-t-il à l’individu dans cette communauté consciente d’elle-même et de ses intérêts ? Newland Archer, grâce à son amour pour Ellen, aspirera à une forme d’émancipation et de transgression, mais ne finira-t-il par rentrer dans le rang ?