La notion de croyance n’est pas aussi transparente et homogène qu’il semble à première vue. En effet, l’opposition usuelle entre « croire » et « savoir » explique que nous associons souvent la notion de croyance à des formes de convictions jugées douteuses ou invérifiables, telles que les croyances religieuses ou les croyances complotistes. Mais il existe aussi des croyances ordinaires, moins problématiques. Je crois qu’il y a de la bière dans mon réfrigérateur ou que les horaires du cinéma sont fiables. Plus discrètes et moins problématiques que d’autres formes de croyances, ces croyances ordinaires n’en jouent pas moins un rapport structurant dans notre rapport à la réalité, au point que la démarcation entre croire et savoir devient floue : dans bien des cas, ce que je sais ne repose-t-il pas sur la croyance en ce que l’on m’a dit ?
Ensuite, ne faut-il pas distinguer des croyances involontaires et des croyances volontaires ? Des croyances qui se forment en nous et des croyances que l’on forme ou que l’on développe ? Mais l’idée de « croyance volontaire » ne va pas de soi : est-on libre de croire ce qu’on veut ? Peut-on croire ce que l’on sait être faux ? Toutefois, n’existe-t-il pas des formes d’auto-persuasion, de confiance, d’espoir qui semblent relever de la croyance. La foi religieuse elle-même n’est-elle pas une forme de croyance volontaire, un « pari », pour reprendre les termes de Pascal ?
Enfin, il y a ces cas si particuliers de croyances partielles, où l’on croit sans croire. Quand je regarde un film, je sais bien que le meurtre qui a lieu sur l’écran n’est pas un vrai meurtre ; toutefois, j’y crois assez pour être ému, effrayé. Les enfants qui font comme si le canapé était un bateau savent qu’il n’en est rien, mais ils y croient assez pour pouvoir vivre leurs aventures.
Bref, il existe de nombreuses formes de croyances, et l’on peut d’ailleurs, dans bien des cas, se demander dans quelle mesure l’on croit à ce que l’on dit croire ou à ce à quoi l’on essaie de se faire croire.