La pièce de Musset, parue en 1832, s’inspire d’un fait historique. Un régime républicain a été restauré à Florence en 1527, interrompant le règne des Médicis, mais la réconciliation de l’Empereur Charles Quint avec le Pape entraîne le retour au pouvoir des Médicis en 1530. Alexandre de Médicis, homme débauché et cruel, devient Duc de Florence, le premier d’une longue série. Son cousin, Lorenzino, l’assassine en 1537, mais les Médicis restent au pouvoir et les espoirs des Républicains sont déçus.
Cet épisode historique est l’occasion pour Musset de mettre en scène le jeu complexe des apparences, des masques et de la vérité dans un contexte de perte générale des illusions. La scène centrale, la troisième du troisième acte, où Lorenzo raconte son parcours à Philippe Strozzi, décrit une dialectique complexe entre dissimulation et vérité : « J’avais commencé à dire tout haut que mes vingt années de vertu étaient un masque étouffant ; ô Philippe, j’entrais alors dans la vie, et je vis qu’à mon approche tout le monde en faisait autant que moi ; tous les masques tombaient devant mon regard ; l’humanité souleva sa robe, et me montra, comme à un adepte digne d’elle, sa monstrueuse nudité. J’ai vu les hommes tels qu’ils sont... »
Le théâtre est action et discours. Mais, dans la pièce de Musset, les discours sont souvent des morceaux d’éloquence qui ne se traduisent plus en actions. Le personnage de Philippe Strozzi est, sous ce rapport, exemplaire. Théâtre de la désillusion, de l’épuisement de l’action et de la confiance, Lorenzaccio est plus moderne qu’il ne semble au premier abord. Subsistent dans ce monde le mensonge et la force, et la nostalgie de la vertu.