Documenter le réel questionne à la fois ce qui est donné à voir, le réel à distinguer de la réalité, et la manière de donner à voir : sur quel support, sous quelle forme, quel format ? L’information qui est donnée est-elle véridique ou pas ? 

Le réel peut être capté par des appareils comme en photographie mais il est toujours le fruit d’une intention, d’un cadrage, d’un point de vue, d’un instant. L’objectivité est donc toute relative. Le réel est ce qui est et, en tant que tel, autour de nous. Il est le même pour chacun, unique. Le réel n’est pas limité au matériel. La lumière, les sons, le vent… sont immatériels, non préhensibles, pourtant ils sont bien réels.

La réalité est la représentation que nous nous faisons de ce réel. La réalité est donc propre à chacun, multiple, car variable selon les individus. Ainsi le réel est le référent de certains artistes. Mais la transcription qu’ils en proposent relève d’une réalité, c’est une portion du réel vu à travers un tempérament.

Nécessairement, il y a écart entre le réel qui nous entoure et ce que l’artiste en retranscrit. Nécessairement, il y a un écart entre la réalité de l’artiste, ce que nous, spectateur, en comprenons, et notre réalité propre. Les valeurs expressives de l’écart et les rapports au réel sont des entrées fondamentales pour analyser une œuvre.

Augmenter le réel serait lié à un travail d’amplification, d’accentuation, d’exagération allant jusqu’à la fiction. Le surréalisme en est un exemple. Par une construction mentale propre aux rêves, un onirisme créatif, les artistes réinventent une réalité à partir d’éléments captés dans le réel, agencés différemment. 

Le statut du document, du latin documentum, "ce qui sert à instruire" est ainsi à questionner. En effet, le document servant de preuve, de trace ou de témoignage est parfois agencé de façon artistique aux côtés de l'œuvre aboutie. Ainsi, la production documentaire tend à devenir production artistique.