À partir du début du XIXe siècle, la philosophie explore non plus seulement le domaine de la raison mais le domaine de la sensibilité. La réflexion se recentre progressivement sur les données psychologiques et intimes, en particulier :

  • Sur le rapport du moi avec le corps :
    a) Chez Maine de Biran (Essais sur les fondements de la psychologie, 1812), le moi ne prend conscience de lui-même que par le sentiment de l’effort, de la résistance que le corps oppose à ses mouvements volontaires ;
    b) Chez Schopenhauer (Monde comme volonté et comme représentation, § 18), le corps est non seulement perçu de l’extérieur comme un objet parmi les objets, mais de l’intérieur, par une intuition immédiate : les mouvements du corps sont le prolongement direct de ma volonté.

  • Sur la conception de la conscience comme d’un flux continu de pensées :
    a) Chez Bergson (Essai sur les données immédiates de la conscience), la conscience est identifiée à une durée hétérogène, formée de pensées et de sensations qualitativement différentes qui se suivent et s’interpénètrent dans un « progrès continu » ;
    b) Chez William James (Essai d’empirisme radical, 1912), la conscience n’est pas une spectatrice inactive de ses propres actes, mais s’identifie à eux.

Cette conception n’est pas étrangère au courant littéraire qui s’est penché, par le procédé de l’introspection, sur les données du corps et de la conscience, sur l’exploration des sensations intimes et de la complexité de la mémoire (Proust, Virginia Woolf).