Polythéisme et monothéisme sont deux concepts que l’on oppose radicalement dans le monde antique et que l’on matérialise principalement au moment de la rupture instaurée par le christianisme et la Christianisation progressive de l’empire romain. Cependant, l’étude des religions antiques montre bien que si le monde gréco romain est clairement polythéiste puisque ce dernier croit en l’existence de plusieurs dieux et leur voue un culte, ce dernier connait le monothéisme et vit avec de manière plus ou moins bienveillante. Il est aussi intéressant de préciser que le royaume d’Égypte a lui aussi connu un épisode singulier où le panthéon traditionnel polythéiste a été mis entre parenthèses au profit d’un culte unique, celui d’Aton sous le règne d’Akhénaton. Aussi nous devons nuancer notre approche. Un bref rappel est nécessaire : tout d’abord l’État antique, la cité, est avant toute chose une agglomération d’identités, ce qui implique une multiplicité de cultures et de cultes. Le polythéisme, dans ce sens, est un modèle fonctionnel et évolutif. D’ailleurs, faut-il plutôt parler « des polythéismes », car il n’existe point de système unique. Les mythes des origines ont pour fonction de tisser des liens dans la communauté. L’évolution des polythéismes est ainsi perceptible lorsqu’au IVe siècle avant J.-C. apparaissent des divinités liées à l’abstraction : la sagesse, la santé… D’autre part les états antiques ont été relativement accueillants pour les religions des états qu’ils ont conquis afin de maintenir la paix sociale et ce sous certaines conditions : une religion est l’identité d’un peuple et d’une communauté si bien que garantir la liberté de celle-ci est une preuve de libéralité de la puissance conquérante. Lorsqu’Alexandre et ses troupes conquirent l’Égypte en 332 avant J.-C., le panthéon égyptien est adopté sans problèmes particuliers et comme le montre Hérodote les dieux ont des attributs communs et seuls leurs noms changent. Lorsque les Romains conquerront la Grèce et que l’Égypte deviendra aussi une province les correspondances et les traductions voire les transferts continuent et les panthéons s’agrandissent ; L’empereur Hadrien lui-même, connu pour son orientalisme et son philhellénisme, n’hésite pas à sacrifier à tous les dieux de l’empire selon l’endroit où il se trouve. Parallèlement à cela se développent, venus d’orient et de Grèce, les cultes à mystères proposent une autre manière de croire et d’entrevoir la relation à la divinité. Les cultes à mystères se différencient des cultes traditionnels (cultes autochtones du ou des dieux de la cité) sur différents points : ils sont enseignés par des « initiés », ils ne concernent pas une ethnie ou une cité particulière. Ils ont un côté secret : pour se mettre à l’abri de tout dévoiement et profanation, ces cultes sont souvent accomplis à l'abri des regards (mais certains aspects sont publics, comme les processions d'Isis. A l'instar des philosophies en vogue dans les premiers siècles de notre ère (en particulier le stoïcisme et le platonisme), ces religions s'articulent souvent sur des idées d'universalisme, de conversion des mœurs, de purification, de salvation, ainsi sur un discours concernant l'au-delà. L'initié doit montrer sa force morale, son courage, sa droiture et pratiquer les vertus. Les participants de certains cultes subissent des initiations successives, apprenant graduellement ce qui est présenté comme des secrets de la nature, ou de la divinité ; ils progressent éventuellement dans des grades (l'exemple le plus connu est le culte de Mithra qui comporte sept grades). Dans son parcours, l'initié doit souvent jurer. Ce serment est une preuve de son statut d'homme libre (l'esclave ne peut le faire). Néanmoins, les cultes à mystères tendront de plus en plus à admettre les non-citoyens, c'est-à-dire les femmes et les esclaves. Ces cultes apportent, contrairement aux cultes traditionnels, une vision nouvelle de l'après-vie, plus encourageante que la simple éternité décrite dans les Champs Élysée ou les Enfers.

À côté de ces pratiques qui proposent un accès plus individuel au monde de l’au-delà, la présence de certaines religions monothéistes est à signaler et les deux vont de paires. Le monothéisme juif est le plus ancien. Il n’y a pas de date assurée quant à sa naissance ; il est acquis au VIe siècle avant J.-C. et est connu des Grecs par les conquêtes d’Alexandre le Grand. Il s’agit d’une religion ethnique qui ne dispose pas de théologie mais peut être qualifiéed’orthopraxique, c’est-à-dire reposant sur des rites. De manière claire, dans le cadre grec ou romain, cette religion est acceptée comme les autres. L’une des singularités de cette religion tient au fait qu’elle impose une norme extérieure, et une transcendance divine. S’agissant d’une religion ethnique, elle n’est pas en rupture avec les polythéismes d’autant que le judaïsme antique pratique les sacrifices mais deviendra sujette à troubles sous le règne d’Auguste et dans le contexte de la vie publique du Christ. Le monothéisme chrétien instaurera pour sa part la rupture la plus radicale car cette religion s’affirme comme universaliste. Le christianisme, dont le terme est inventé au début du IIè siècle, se coupe de la matrice juive: un sauveur unique, un salut unique. C’est alors la fin des rituels sacrificiels car Jésus est le dernier des sacrifices et à l’inverse du judaïsme dont il déclare l’obsolescence qui lui en pratique de manière rituelle et des autres cultes polythéistes. Sans rappeler les persécutions et le danger que cette nouvelle religion représentait pour le culte impérial (l’empereur est pontifex maximus, chef de la religion et divinisé à sa mort, donc objet de culte), il est intéressant de voir que le principe personnel de conversion qu’il propose touchera l’empereur Constantin lui-même puis Théodose qui en fera la religion de l’empire en 380.