La création d’Ariane Mnouchkine, 1789, puise dans diverses traditions théâtrales pour créer un spectacle total, à la fois divertissant et porteur d'une réflexion profonde sur l'Histoire. Cette esthétique composite vise à inventer un théâtre véritablement populaire, accessible à tous mais sans concession sur le fond. En effet, le spectacle emprunte largement au théâtre de foire, forme populaire par excellence. Dès le début du spectacle, lors de la fable du roi malade et de ses sujets, les comédiens utilisent des masques d'animaux. Le spectacle recourt également aux marionnettes pour représenter Louis XVI et Marie-Antoinette. Il s’inspire aussi de la commedia dell'arte à travers le jeu physique très marqué des comédiens et la présence de stéréotypes sociaux particulièrement identifiables : les personnages du clergé et de la noblesse sont présentés de manière caricaturale, à l’image des rôles associés à la commedia dell arte.
En outre, la forme du cabaret est sollicitée à travers des chansons et des numéros musicaux qui ponctuent la représentation, telle la chanson sur « le roi de vingt ans », qui sert à commenter avec ironie la situation politique. Aussi 1789 s’inspire-t-il des différentes formes théâtrales populaires, incluant la farce et les mystères médiévaux, jouées en plein air, sur les places de marché, devant les églises, intégrant des éléments de comédie, de satire et de spectacle visuel, sans oublier l’influence du théâtre asiatique et tout particulièrement celle du Nô et du Kabuki Japonais que l’on observe dans la gestuelle stylisée et les mouvements chorégraphiés des acteurs. Les mouvements lents et codifiés effectués sur scène rappellent la discipline physique et la précision du théâtre japonais. Enfin, le spectacle emploie des effets de distanciation, avec des adresses directes au public et des commentaires sur l'action. Le personnage du conteur intervient notamment pour commenter l'action et faire le lien entre les différentes scènes, ce qui favorise l’idée d’un rapprochement avec le théâtre épique de Brecht, dans la mesure où il cherche déjà à susciter la réflexion critique du spectateur plutôt que son identification émotionnelle. Il brise ainsi la tradition du « quatrième mur » en rappelant aux spectateurs qu'ils sont en train de regarder une reconstitution d'événements historiques.

Ariane Mnouchkine explique, par ailleurs, concernant 1789, que : « Montrer apparaît ici comme le concept-clef de la perspective du Théâtre du Soleil. ». L'aspect festif du spectacle ne doit pas faire oublier son contenu politique. Le choix d'une forme populaire et légère permet de traiter des sujets graves et complexes de manière accessible, sans pour autant les simplifier à l'excès.
Cette esthétique composite reflète la volonté du Théâtre du Soleil de créer un théâtre à la fois populaire et exigeant, capable de divertir tout en suscitant la réflexion. Elle permet de rendre sensible les enjeux complexes de la période révolutionnaire sans jamais tomber dans le didactisme.