La loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil, encadre la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. Jusque-là, l’avortement pour une raison non médicale était un délit, passible de prison.
Un parcours de combattantes
Le combat qui mènera à la promulgation de la loi Veil commence bien avant 1975 car, depuis longtemps, cette question divise la société. Le 5 avril 1971, 343 femmes réclament le droit à l’avortement dans une tribune du Nouvel Observateur, en déclarant avoir déjà eu recours à l’avortement. Parmi les signataires figurent de nombreuses artistes et intellectuelles comme Simone de Beauvoir, Catherine Deneuve, Françoise Sagan, Jeanne Moreau… Ce manifeste accélère le combat pour les droits des femmes.
Un autre événement : le procès de Bobigny qui se tient en octobre et novembre 1972, au cours duquel 5 femmes, dont une mineure, Maire-Claire, 16 ans, qui a décidé de se faire avorter à la suite d’un viol, sont poursuivies pour pratique et accompagnement d’avortement illégal, a considérablement fait avancer le combat qui mènera à l’adoption de la loi Veil.
En décembre 1973, un premier projet de loi autorisant l’IVG, porté par le ministre de la Santé Michel Poniatowski, est examiné à l’Assemblée nationale, mais finalement repoussé par 225 voix contre 212.
Le rôle de Simone Veil, ministre de la Santé
En mai 1974, Simone Veil (1927-2017) est nommée ministre de la Santé par Jacques Chirac, alors Premier ministre. Elle est immédiatement chargée de préparer un nouveau projet de loi sur l’avortement. Le projet de loi Veil autorise alors l’interruption de grossesse avant la 10e semaine, sur demande à un médecin, mais sans que l’acte ne soit encore remboursé par la Sécurité sociale, ce qui ne sera le cas que 10 ans plus tard.
Le 26 novembre 1974, le texte est présenté à l’Assemblée nationale, et au premier jour de l’ouverture des débats, Simone Veil prononce un discours : « Je voudrais faire partager une conviction de femmes. Je m’excuse de le faire devant une Assemblée constituée quasi exclusivement d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. » Les débats durent 25 heures, dans un climat très tendu, et 64 personnes, notamment de virulents opposants à la loi, prennent la parole à tour de rôle.
Le projet de loi est finalement voté par 284 voix pour et 189 contre, et adopté en première lecture. Le 13 décembre 1974, le projet de loi arrive cette fois devant le Sénat, et Simone Veil doit de nouveau défendre sa loi. Enfin, le 17 janvier 1975, une loi provisoire est finalement votée pour une durée de cinq ans. Une deuxième loi, adoptée le 31 décembre 1979, permettra que l’avortement soit définitivement légalisé. Toutefois, la mobilisation des femmes se poursuit sur le terrain durant des années pour que la loi Veil soit appliquée, car plusieurs médecins continuent à refuser de pratiquer l’IVG, en invoquant la clause de conscience.
Le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale est voté fin 1982. La loi du 4 juillet 2001 modifie les dispositions de l’IVG, en allongeant notamment le délai de 10 à 12 semaines de grossesse, en dispensant les mineures d’autorisation obligatoire de leurs parents, et en facilitant le recours à l’avortement médicamenteux.
Info bonus : Figure majeure du féminisme en France, Gisèle Halimi fut l’avocate des femmes accusées d’avortement illégal au procès de Bobigny en 1972 et contribua, en obtenant leur acquittement, à l’évolution vers la loi Veil sur l’IVG. Celle qui entama une grève de la faim à l’âge de 13 ans pour ne plus avoir à faire le lit de son frère, fut la seule avocate signataire du Manifeste des 343 et consacra une grande partie de sa vie à défendre les droits des femmes. Elle est décédée le 28 juillet 2020 à l’âge de 93 ans.