La fin du XIXe siècle (Nietzsche), puis le XXe siècle ont mis en cause les excès d’une croyance dans un progrès continu et la toute-puissance de la raison.

En 1944, Adorno et Horkheimer, qui ont fui le nazisme et se sont réfugiés aux États-Unis, écrivent La Dialectique de la raison (publiée en 1947, titre original : Dialectique des Lumières). S’appuyant sur les expériences du XXe siècle (guerre mondiale, industrie culturelle de masse, capitalisme économique), et montrent les contradictions internes à une raison qui se prendrait pour fondement absolu ; ils étudient « l’auto-destruction de la raison ».

Ils critiquent :

  • La raison instrumentale : la rationalité économique (le raisonnement en termes de moyen et de fin, calculabilité et quantification des opérations) fait de l’homme l’instrument des machines dont il se sert (arguments de Marx, dans le Capital) ;
  • La mythologie de la Raison : alors qu’en Grèce antique le discours rationnel et philosophique s’émancipe progressivement du mythe, à partir des Lumières, « la Raison se retourne en Mythologie », suscite une croyance aveugle. La rationalité (scientifique, économique) est prise comme argument de l’asservissement des individus à une mesure unique et commune (dans le totalitarisme).
  • L’industrie culturelle de masse, qui réduit le spectateur à un rôle passif et de consommateur, au lieu de développer son jugement.
  • Le racisme, idéologie « paranoïaque » (il utilise tous les arguments pour se justifier), repose sur des « étiquettes » et des oppositions tranchées.

Mais Adorno et Horkheimer ne critiquent pas absolument la Raison : ils la soumettent à son propre tribunal (la raison juge la raison pour en limiter l’étendue) et en promeuvent une version critique, prudente et réflexive, capable d’auto-critique (une raison « dynamique » et « négative »).