Dans le monde gréco-romain, les villes sont le lieu d’implantation des grandes bibliothèques et des écoles philosophiques dont les courants de pensée contribuent à former l’élite intellectuelle.
Les bibliothèques, mot à mot dépôt de livres, apparaissent avec le besoin d'organiser la conservation et le travail des textes. Si nous croyons les connaître à cause du prestige et de la notoriété de la grande bibliothèque d’Alexandrie, cette dernière n’est pas la seule. Ces lieux dépendent en effet des pouvoirs religieux et politiques, en proportion variable selon les civilisations.
À Ninive, on a retrouvé dans une partie du palais des rois d'Assyrie, vingt-deux mille tablettes d'argile, correspondant sans doute à la bibliothèque et aux archives du palais. Le personnel restreint était composé de scribe et avait pour public le roi et quelques autres membres de la cour. En Égypte, les « maisons de vie », situées à proximité des temples, abritaient des bibliothèques où officiaient des bibliothécaires-enseignants dont les cours étaient réputés, y compris hors du pays. En Grèce, la tradition attribue l'ouverture de la première bibliothèque à Athènes aux Pisistratides, descendants du tyran d’Athènes Pisistrate, soit ses deux fils Hippias et Hipparque qui héritent du pouvoir conjointement à sa mort en 527 avant J.-C. C’est une période importante en termes de mécénat, et de développement des arts. La création d’une bibliothèque s’inscrit dès lors dans cette démarche.
La grande bibliothèque d’Alexandrie en Égypte est créée au IIIème siècle avant J.-C. Les rois hellénistiques ayant du mal à légitimer leur pouvoir aux yeux des Égyptiens autochtones, ils se devaient de mener une politique d'évergétisme (sorte de mécénat ou de libéralité que les citoyens riches utilisent pour faire profiter leur cité de leurs biens en construisant des théâtres des monuments ou en l’embellissant) afin d'apparaître comme bienfaiteurs. Ils constituaient et entretenaient de grandes bibliothèques ouvertes au public, dans des complexes culturels (musée, gymnase). Le coût de ces équipements était très élevé car, outre le prix d'achat ou de copie des livres et du papyrus, que l'on ne trouvait qu'en Égypte, il fallait recopier les ouvrages régulièrement puisqu'ils s'abîmaient rapidement. Les rois entretenaient également des esclaves lecteurs pour faciliter le travail des usagers de la bibliothèque.
Cette bibliothèque, qui fut construite en 288 et qui fut détruite en 48, fut la plus grande et la plus célèbre de toute l’Antiquité puisqu’elle contenait tous les ouvrages les plus importants de l’époque sous forme de copies. Fondée par un disciple d’Aristote, ce museîon abritait des travaux de recherches et d’enseignement et contenait des salles de travail. Pour y accéder, il fallait en plus de sa propre langue connaître parfaitement le grec. Le fond fut constitué par l’obligation faite à tous les navires accostant au port de laisser recopier les livres qu’ils contenaient par décret du roi Ptolémée Ier. S’inaugure ainsi le premier dépôt légal et la volonté de faire d’une ville le centre international de la culture méditerranéenne, en concurrence d’Athènes et de Pergame qui possédaient aussi de grandes bibliothèques, comptant plusieurs centaines de milliers de volumen. Des bibliothèques un peu plus modestes existaient àRhodes ou à Antioche.
À Rome, certaines maisons privées pouvaient comporter une bibliothèque à côté du triclinium. Celle du grammairien du Ier siècle avant J.-C., Tyrannion, aurait contenu 30 000 volumes, tandis que celle du médecin Serenus Sammonicus en aurait contenu 60 000. Celle de Pison à Herculanum, située dans la Villa des Papyrus en est un autre exemple.
C’est donc à Rome une affaire privée tout d’abord. Il existait aussi des bibliothèques ouvertes au public, souvent gérées de manière privée ou, en tout cas, fondées sur des initiatives individuelles. Ces créations étaient largement justifiées par des objectifs de prestige politique. Par exemple, Lucullus en avait installé une dans ses jardins et Jules César voulait en ouvrir une pour les mêmes raisons et son projet fut repris par son allié Asinius Pollio, qui installa une bibliothèque publique sur l’Aventin, à côté du Temple de la Liberté en 39 avant notre ère. Peu après, Auguste en fonda deux autres. Rome comptait ainsi trois grandes bibliothèques au début du premier millénaire. Sous l’Empire, ce nombre s’accroît à vingt-huit bibliothèques en 377. Si certaines étaient des établissements autonomes, des bibliothèques étaient souvent intégrées aux thermes Dans d’autres grandes villes de l’Empire, il existait aussi des bibliothèques. Le grand architecte Vitruve, qui s’était intéressé à la construction de ce genre d’édifice, recommandait qu’elles soient orientées vers l'est afin de capter la lumière du matin et de réduire l’humidité susceptible d’endommager les livres.
Aussi si nous pensions par certains aspects que les bibliothèques étaient monnaie courante dans l’Antiquité, ces dernières étaient surtout l’émanation de volontés politiques ou encore de fonds privés destinés à un petit cercle de savants ou d’érudits bien qu’elles aient eu tendance à se généraliser et à s’ouvrir au public.