Dans la Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1935), Husserl affirme que l’Europe du XXe siècle traverse une crise profonde – crise politique, économique et sociale, mais aussi « crise spirituelle » (montée du national-socialisme, dissolution du sens de l’existence et de l’histoire). Cette crise repose sur une absence de réflexivité de la part des citoyens européens qui ne s’interrogent pas sur le présupposé de leurs activités techniques et scientifiques et ont abandonné l’idée d’un monde commun.
Le développement de la science moderne (avec Galilée) s’est accompagné d’une interprétation mathématique de la nature, qui a réduit l’ensemble du réel à des données absolues, quantifiables, objectives. Cette nature scientifique n’est pas immédiatement donnée mais est construite par la science et ses outils ; elle recouvre le monde-de-la-vie (monde de nos actions et de nos intuitions quotidiennes) d’un « vêtement d’idées ».
Husserl ne critique pas la science moderne en tant que telle, dont il reconnaît l’importance heuristique, mais l’idée qu’elle consisterait en une réalité absolue et unique, alors que le savant vit dans ce monde quotidien de l’action et de la pratique. Retrouver le sens de l’existence, c’est faire retour à ce monde-de-la-vie, par une réflexion rationnelle : cette crise de la rationalité doit être résolue par un usage critique de la raison.
Le disciple de Husserl, Martin Heidegger, prolonge cette réflexion dans « La question de la technique (1954) ». La technique est une manière de se rapporter au monde, sous le mode de la calculabilité ; elle demande à la nature de livrer l’ensemble de ses énergies et fait de l’homme un simple utilisateur de cette technique.