Dans sa mise en scène de Phèdre, Patrice Chéreau confronte deux univers opposés : celui de la pureté incarnée par Hippolyte, et la passion dévorante représentée par Phèdre. Pourtant, malgré leurs antagonismes, ces deux personnages sont liés par le désir et le secret, créant entre eux des liens ambigus et tragiques. C’est avec l’objectif d’explorer les secrets inavoués de la famille des Atrides, victimes de la malédiction des dieux, que le metteur en scène réunit en 2003 sur la scène du théâtre de l’Odéon à Paris Pascal Greggory dans le rôle de Thésée, Éric Ruf en Hippolyte, et surtout Dominique Blanc, à qui il attribue le rôle-titre de Phèdre. Après des années de collaboration artistique tant au théâtre qu’au cinéma, il lui offre l’opportunité d’interpréter l’un des personnages les plus complexes et exigeants du répertoire tragique, bien qu’à l’origine, ce soit Isabelle Adjani qui fut son premier choix. Mais face au refus de cette dernière, c’est sur Dominique Blanc que son choix se porte ensuite, ce qu’il justifie en expliquant qu’il lui fallait « une très grande comédienne pour Phèdre. [...] ». Il ajoute dans le même entretien (Le Monde, 14 janvier 2003) : « Tous les rôles de la pièce sont difficiles, parce que celui de Phèdre est un peu surdimensionné. Racine lui a donné une importance qui va au-delà de ce qu’on appelle un rôle principal. Il faut donc remettre un peu les autres rôles à niveau. »

Ainsi, c’est en mêlant subtilité et intensité que Dominique Blanc incarne une Phèdre tourmentée, déchirée entre sa raison et sa passion fatale pour Hippolyte. Sa performance nuancée exprime toute l’ampleur du désarroi de Phèdre. Elle porte ce rôle-titre avec force, révélant les multiples facettes et la profonde humanité de ce personnage tragique. Le travail sur le gestuel et le corps prennent toute leur dimension : la comédienne est souvent rampante sur le sol, se déplaçant comme si elle ne pouvait plus se lever, fléchissant sous le poids de la culpabilité. Patrice Chéreau confère une portée universelle au personnage de Phèdre à travers une mise en scène moderne qui place le spectateur/public comme actant de la pièce : les Ateliers Berthier lui permettent de recourir à une scénographie réduite où il fait disparaître le quatrième mur en disposant le public de part et d’autre de la scène qui forme un étroit rectangle.