Dans la mise en scène du chef-d'œuvre de Beaumarchais par Jean-Pierre Vincent Le Mariage de Figaro en 1987, Dominique Blanc incarne une Suzanne charmante et espiègle. Ses yeux pétillent de malice lorsqu'elle complote avec la Comtesse, et ses fous rires à peine réprimés trahissent la complicité des deux femmes. Face au Comte, son menton se relève avec une fierté farouche, dans un subtil mélange de révolte contenue et de soumission apparente. Avec Figaro, ses coups d’œil en coin et ses sourires échangés laissent transparaître la tendresse amoureuse. Dans cette distribution prestigieuse, la jeune comédienne s'impose et insuffle à Suzanne grâce et détermination.
Dans la tragédie de Racine mise en scène par Patrice Chéreau en 2003, la complicité artistique entre la comédienne et le metteur en scène, forgée depuis 20 ans, permet à Dominique Blanc d'atteindre une grande intensité tragique. Son jeu repose sur l’expression juste des tourments amoureux de Phèdre. Mais la comédienne s’efforce de conférer une dimension humaine à la figure mythique qu’elle incarne. Ses mains se font tremblantes, son regard fuyant afin de rendre compte, avec pudeur, du désir coupable qui ronge son personnage. Elle prend une voix haletante lors de son aveu à Œnone et exprime son amour incestueux pour son beau-fils dans un souffle presque inaudible. Puis, c’est le visage ravagé par les larmes, prostrée au sol, qu’elle se présente pour implorer le pardon des dieux. Face à Thésée, elle passe des supplications éperdues aux cris de révolte.
Dans la pièce de Kushner mise en scène par Arnaud Desplechin, Angels in America (2020), Dominique Blanc impressionne par sa capacité à changer de registre d'un rôle à l'autre : elle accomplit l’exploit d’incarner six personnages au caractère bien distinct : trois hommes, deux femmes et un ange. Dans son interprétation du rabbin Isidor Chemelwitz, sa voix douce et son phrasé lent confèrent une dimension spirituelle au rituel. Puis, elle joue tour à tour l’Ange Asiatica, Hannah Pitt, la mère de Joe, personnage auquel elle confère des intonations new-yorkaises inquiètes, mais aussi le personnage d’Ethel Rosenberg, femme exécutée pour espionnage en 1953 avec son mari, qui revient hanter Roy Cohn. Pour Ethel Rosenberg, la comédienne exprime, par un regard droit et une voix claire, l'intensité glaçante du combat politique, adoptant le ton révolté et provocateur de la militante communiste face à son bourreau. Elle joue également le rôle d’Henry, le médecin qui soigne Roy Cohn, et celui du général russe Alexis Antédiluvianovitch Prelapsarianov, le plus vieux bolchevik vivant, à qui elle attribue un accent russe prononcé.
Tous ces personnages secondaires n’interviennent qu’une seule fois dans l’action, ce qui rend le jeu d’autant plus difficile pour la comédienne, qui donne vie à chacun par des accents, une gestuelle, une posture, une expression du visage unique et propre à chaque personnage. Elle reçoit pour sa prestation le Molière de la meilleure comédienne dans un second rôle en 2020.
Ainsi, que ce soit dans la tragédie racinienne, la comédie de Beaumarchais ou la pièce contemporaine de Kushner, Dominique Blanc impressionne par l'intelligence et la justesse de son jeu. Sa sensibilité alliée à une grande maîtrise technique font d'elle une très grande interprète capable de donner sa voix aux textes classiques ou contemporains et d’incarner des personnages féminins blessés ou combattifs.