C’est dans la deuxième partie d’Henri VI que Richard apparaît sur scène, défini par les paroles prononcées par Lord Clifford : « Arrière, boule de haine difforme, monstrueux avorton, à l’esprit aussi tordu que la figure. » ou encore par celles du jeune Clifford « « tu ne ressembles ni à ton père, ni à ta mère, mais à un monstrueux et difforme nabot ». Richard conserve dans les mises en scène d’Ostermeier et de Jolly cet aspect monstrueux.
Le Richard de Jolly porte une bosse recouverte de poils et de plumes noirs, ses ongles et ses doigts sont métalliques et tranchants, ce qui le rapproche davantage de l’animal, que de l’homme. Le personnage n’évoque rien de repoussant, mais plutôt un être fascinant dont la laideur ne peut être la cause unique de sa noirceur, comme il l’annonce pourtant dans Henri VI : « cette terre ne m’offre d’autre joie que celle de commander, de réprimer, de dominer quiconque est mieux fait de sa personne que moi ».
Dans la mise en scène d’Ostermeier, ce sont les prothèses, le corset noir et la minerve, que porte Richard une fois devenu roi qui rendent compte du passage non pas dans l’animalité, mais dans la bestialité, dans cette perte du peu d’humanité qui demeurait encore jusque-là. Le processus de déshumanisation est alors en marche et visible à travers le choix du costume. La mise en scène illustre, dès lors, dans quelle mesure le pouvoir engendre la perte de l’humanité qui réside en l’homme. C’est la société et la soif de l’ambition qui manipulent l’homme. Richard en est la victime consentante. Ses neveux représentés par deux marionnettes manipulés par les comédiens sur scène soulignent qu'ils sont eux-mêmes les victimes d’une société de cour dans laquelle tout est joué, calculé, avant d’être celles de leur oncle. Enfin, progressivement, la duplicité de Richard est exprimée par Richard lui-même qui s’enduit le visage d’une crème blanche, sorte de plâtre liquide, qui, en durcissant, devient un masque figeant ses traits.