Spontanément, on entend par nature un ensemble d’êtres et d’événements indépendants de l’homme. Mais l’homme n’est-il pas, en un sens important, un être naturel ? Si la nature désigne, selon Kant « l’enchaînement des phénomènes, quant à leur existence, d’après des règles nécessaires, c’est-à-dire d’après des lois », jusqu’où s’étend la légalité naturelle ?
La question de la définition de la nature a un enjeu pratique : est-elle un modèle auquel se conformer, une origine à dépasser, une donnée à transformer, un ordre écologique à respecter ? Sénèque, dans La vie heureuse, dit se régler sur la nature : « ne pas s’éloigner d’elle, se plier à sa loi et à son exemple, voilà la sagesse ». Nietzsche objecte : « Imaginez un être immensément prodigue, immensément indifférent, sans intentions et sans égards, sans pitié ni justice […] comme l’est la nature, comment vous serait-il possible de vivre en accord avec cette indifférence ? » Le propre de la culture humaine n’est-il pas ainsi de transcender les lois de la nature, plutôt que de s’y conformer ?