En quoi les dispositifs de présentation peuvent-ils influencer la lecture et la compréhension d’une œuvre ?
Étudier une œuvre nécessite de prendre en compte ses conditions et modalités de présentation. En effet, dans certains cas, les dispositifs de présentation sont des éléments constitutifs de l’œuvre comme par exemple pour les œuvres de Christian Boltanski.
Les pratiques de l’in situ mettent en regard le lieu et l’œuvre créée pour celui-ci. La présentation de l’œuvre est donc dans le lieu qui l’accueille. Le dispositif de présentation est donc lié à l’œuvre mais aussi à ce lieu. Lorsque le photographe JR créé en 2017 une gigantesque installation Giants, Kikito (sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis https://www.jr-art.net/fr/projects/giants-border-mexico) soutenue par des échafaudages à la clôture frontalière de la ville mexicaine de Tecate, c’est pour dénoncer la construction d’un mur permanent entre les États-Unis et le Mexique. L'installation montre Kikito, un enfant en bas âge jetant un coup d'œil par-dessus la clôture, rendant l’œuvre plus visible et mieux appréciée du côté des États-Unis. Ce dispositif de présentation permettant de voir l’œuvre d’un seul point de vue est complété par un pique-nique organisé de part et d’autre de la clôture le dernier jour du montage de cette œuvre. Pour quelques heures, autour d’une œuvre d’art, la frontière avait disparu.
Pour d’autres œuvres, les modalités de présentation sont des apports externes qui conditionnent le processus de création de l’œuvre comme pour le Serpent d’Océan (2012) de Huang Yong Ping ou encore la Spiral Jetty (1970) de Robert Smithson. Les rapports entre l’œuvre et les éléments naturels évoluent au fil du temps, des saisons, des marées.
Pour d’autres encore, les modalités de présentation, imaginées par l’artiste et/ou par un galeriste ou un curateur (commissaire d’exposition) conditionnent parfois la sollicitation du spectateur. Il doit s’approcher, se pencher, soulever un rideau, regarder dans le trou d’une paroi… Dans l’œuvre énigmatique Étant donnés 1° La chute d'eau 2° Le gaz d'éclairage 1946-1966, du Musée d’art de Philadelphie de Marcel Duchamp, le spectateur doit adopter la posture d’un voyeur.
Marcel Duchamp a pris en compte les caractéristiques des espaces muséographiques, les gestes artistiques et les statuts de l’œuvre au regard du lieu de présentation. Dans ses ready-made, c’est bien le lieu de présentation et le geste de l’artiste qui sacralisent ces objets du quotidien en œuvres d’art.