En quoi le geste de l’artiste ou la matérialité d’un support peuvent-ils avoir des incidences sur la perception d’un espace représenté ?
Dans une œuvre à expérimenter physiquement, quelles sont les différentes prises en compte du corps du spectateur ?
Étudier les conceptions et les modalités de la représentation de l’espace et du corps dans les arts du monde, c'est savoir faire des comparaisons, des associations, des métissages entre différentes cultures. C’est s’ouvrir au monde.
L’espace est celui de l’œuvre. Celui-ci peut donc être un espace représenté : « Un tableau peut représenter une tranche minime d’espace (dans un portrait, une nature morte) ou de grandes profondeurs, comme un paysage aux vastes horizons ». Etienne Souriau, Vocabulaire d’esthétique (Éditions PUF, p. 687).
L’espace est également celui du tableau (sa taille, son format en rapport aux limites, aux bords, à la matérialité du support), comme le souligne le peintre Maurice Denis : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille (…) ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées », Maurice Denis, Art et critique, 1890.
L’espace c’est aussi celui dans lequel l’œuvre s’inscrit matériellement. Une œuvre peut être conçue directement en relation au lieu dans lequel elle s’inscrit comme pour les œuvres in situ, du Land Art, du Street Art, ou même un retable.
L’espace est aussi celui de l’artiste qui crée l’œuvre. Le corps de celui-ci évolue dans un espace. L’artiste est acteur avec son corps, il agit, bouge, évolue lorsqu’il réalise l’œuvre. Jackson Pollock effectue quasiment une danse lorsqu’il crée ses dripping, Richard Long arpente le paysage dans lequel il crée.
Peindre ou dessiner verticalement sur de grands formats ou sur un format restreint sur une surface horizontale engage différemment le corps. Le corps peut également laisser des traces, ainsi que l’outil prolongeant la main comme pour les traces de la main dans l’art pariétal ou le poids du corps intervenant dans les tirages de certaines gravures sur bois chez Paul Gauguin, permettant de moduler les effets.
L’espace est également celui du spectateur. « On ne regarde pas de la même manière une miniature, vue de près dans une sorte d’intimité, et une très grande peinture, qu’il faut prendre du recul pour bien voir » Etienne Souriau, Vocabulaire d’esthétique (Éditions PUF, p. 685). Le spectateur peut être amené à tourner autour d’une sculpture, déambuler dans une installation, marcher sur les sculptures plates de Carl Andre, entrer dans un pénétrable...